Les débuts du cinéma en Afrique

Les débuts du cinéma en Afrique

Avec plus de 30 millions de km², le continent africain a toujours été une terre de fascination et de curiosité. Dès l’invention du cinématographe par les frères lumières en 1895, l’exploration du monde à la conquête de nouvelles images va s’accélérer et l’Afrique ne sera pas du reste, elle fera l’objet de nombreuses expériences cinématographique jusqu’aux premières indépendances des pays africains dans les années 1960.

On peut donc dire que le cinéma en Afrique est marqué par deux grandes périodes, la période coloniale et la période postcoloniale.

Période coloniale

Durant toute la période avant les deux guerres mondiales, tous les pays africains depuis l’Afrique du Nord jusqu’à l’Afrique du Sud sont des territoires colonisés par les européens et servent donc principalement de décors de tournage aux cinéastes en recherche d’œuvres exotiques, mais aussi des territoires de diffusion d’un cinéma de propagande. Les films diffusés ou tournés en Afrique durant toute cette période sont donc exclusivement réalisés par des européens, les africains n’ayant pas l’autorisation, ni la formation requise pour filmer et diffuser leurs propres images. 

On peut citer en exemple, les courts métrages de Georges Méliès tourné en Algérie : « Le Musulman rigolo (1896)[1], Ali barboyou et Ali bouffe à l’huile (1907) ou encore Le Voyage au Congo de Marc Allégret (1927, sur le voyage de Gide), La Croisière noire de Léon Poirier (1926), La Grande Caravane de Jean d’Esme (1936) ou les films réalisés dans l’ex-Congo belge par André Cauvin (Équateur aux mille visages, 1949).

Parallèlement aux tournages, des projections de films se déroulaient aussi sur le continent d’après les archives historiques et certains témoignages. Ces séances n’ont cependant pas lieu dans des endroits spécifiques, dédiés à l’activité cinématographique mais dans des bâtiments officiels, des hôtels et autres lieux de sociabilité qui commençaient à émailler les villes coloniales[2]. En Égypte par exemple les premières projections ont eu lieu en 1896 dans le hammam Schneider avant que le lieu ne soit finalement transformé en salle de cinéma.

L’Égypte est pionnière dans l’exploitation et même dans la production cinématographique sur le continent africain, la première salle de cinéma y est construite au Caire dès 1906 puis six autres salles cinq ans plus tard avant d’atteindre ensuite 80 salles de cinémas dans le tout le pays en 1917. 

Au Sénégal « Un cinéma a été ouvert à la Mairie de St Louis le 1er janvier 1898 au prix de 3 f la chaise, 2 f le banc et 1 f la place debout. (…) Le ‘Théâtre Diorama lumineux de St Louis’ annonce, en janvier 1894, une tournée ‘sous peu’ par la ligne de chemin de fer jusqu’au 2e arrondissement (Dakar et Gorée)[3] ».  

Selon Jean Rouch, des cinémas ambulants « projetaient les premières bandes animées à Dakar et dans les environs » dès 1905. Autre témoignage vivant, Amadou Hampâté Bâ (écrivain, historien, anthropologue et philosophe malien, 1901-1991) se souvient de sa première expérience lorsque « En 1908, un Européen vint à Bandiagara [Mali] pour y projeter un film. » (« Le dit du cinéma africain » 1967). Pour les années 1920, le docteur Gabriel Sultan (1917-2018) décrit l’arrivée par le train d’un projectionniste à Mamou, petite ville de Guinée, avec sa « machine », ses bandes, son groupe électrogène et ses chaises pliantes (entretien, Conakry 2005).

Il faut attendre toutefois les années 1930, et surtout l’après-guerre, pour que s’organisent de réels circuits cinématographiques, à but lucratif, supposant autorisations et contrôles administratifs, trajets répétés et projections de films de fiction, mêlés à de la publicité ou de la propagande coloniale. Parallèlement les autorités et les missionnaires (au Congo belge) assurent des tournées à but essentiellement politique ou éducatif. Raymond Borremans (1906-1988), basé en Côte d’Ivoire, fut un de ces entrepreneurs précurseurs ; mais, à part un bref témoignage recueilli en 1985, il n’a pas laissé de souvenirs du métier qu’il pratique pourtant de 1937 à 1974. Jean-Paul Sivadier (1929) a, au contraire, laissé un récit précis sur ses quatre années d’activité à la fin des années 1950. Celui-ci, illustré, permet d’assister à l’arrivée du Circuit Cinéma Africain (CCA) dans les villages, au montage de la « salle de cinéma » et aux projections nocturnes, avant de le voir repartir sur les pistes de Haute-Volta (Burkina Faso), du Soudan (Mali) ou du Sénégal.[4]

Période post-coloniale

Il faudra donc attendre indépendances des pays africains pour voir les premiers films africains faits par les africains. Parmi les précurseurs on peut citer ; Paulin Soumanou Vieyra (Premier africain diplômé de l’Institut des Hautes Études Cinématographiques (IDHEC), aujourd’hui dénommé FEMIS) avec son film L’Afrique sur seine (1955) Benin, Sembene Ousmane avec son premier film La noire de… (1966), Omar Khlifi L’Aube (1966) Tunisie, Med Hondo Soleil Ô (1966) Mauritanie, Mohamed Ousfour Le fils maudit (1958) Maroc, Philippe Mory Les tamtams se sont tus (1971) Gabon, Raymond Rajaonarivelo Tabataba (1972) Madagascar, Dikongue Pipa Muna Moto (1975) Cameroun.

La première action culturelle du gouvernement mozambicain juste après l’indépendance du pays en 1975, fut la création de l’Institut national du cinéma (INC). Le nouveau président, Samora Machel, avait pleinement pris conscience du pouvoir de l’image et de la façon dont on pouvait l’utiliser pour bâtir une nouvelle nation socialiste. Les unités mobiles de cinéma montreraient au pays tout entier la production la plus populaire de l’INC, le journal cinématographique Kuxa Kanema (veut dire naissance du cinéma) dont l’objectif était de filmer l’image du peuple et de la donner au peuple.

Les années 70 et 80 ont constitué la belle épopée des cinémas africains et en particulier en ce qui concerne le secteur de l’exploitation, une grande poussée des salles de cinéma partout sur le continent et l’on pouvait compter une moyenne de 60 salles de cinéma par pays avant leur fermeture progressive au cours des années 90 à 2000, due à l’avènement de la vidéo (magnétoscope) dans les salons. Même les pays occidentaux ont dû se réinventer face au changement de mode de consommation du cinéma pour redonner un nouvel engouement au public de reprendre le chemin des salles obscures.

En Afrique, l’arrivée des « vidéoclub ou cinéclub » pour reprendre l’expression populaire en Afrique subsaharienne, a joué un rôle très important, à la fois pour la démocratisation de l’accès à la culture cinématographique en raison de ses tarifs d’entrée très faibles, mais aussi ils ont permis de maintenir une communauté de cinéphile d’où sont nés aujourd’hui la grande moitié des cinéastes de la troisième génération.


[1] Issam MERMOUM, Le cinéma algérien : petite histoire d’un grand échec, article sur algeriecultures.com

[2]Odile GOERG, Un cinéma ambulant en Afrique. Jean-Paul SIVADIER, entrepreneur dans les années 1950, L’Harmattan (collection Images plurielles)

[3] Odile GOERG

[4] Blog « Africa4 », Un cinéma ambulant en Afrique.

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