Industrie du cinéma en Afrique

INDUSTRIE DU CINÉMA EN AFRIQUE (Production, distribution, exploitation)

Comment se porte le cinéma en Afrique ?

Pour bien comprendre la situation du continent Africain, cela revient à interroger toute la chaine qui compose une industrie du cinéma. Le sujet mérite néanmoins d’être abordé sous un angle purement économique.

L’industrie du cinéma s’organise principalement autour de trois pôles de compétences : Les structures de production qui s’occupent de la fabrication des films (financement, écriture, réalisation, montage et post-production), Les structures de distribution de films qui gèrent les droits d’exploitation sur les films et enfin les exploitants (salles de cinéma, festivals, plateformes de VOD, chaînes de télévision, …etc.) qui vont vivre les œuvres en les mettant à disposition des consommateurs, mais aussi en permettant une remontée des recettes pour le refinancement de nouveaux films et par conséquent l’ensemble de la chaîne industrielle du cinéma.

Production/Financement du cinéma

En Afrique, quelques pays se distinguent dans leur politique culturelle en faveur d’un financement important de la production et de l’exploitation cinématographique. L’exemple du Maroc est un cas d’école qui mérite de s’y attarder. En effet, La politique du Centre Cinématographique Marocain, en matière de soutien au cinéma, date de 1980, par la création d’un Fonds d’aide à la production et à l’exploitation cinématographique. Grâce à ces fonds d’une valeur de 10 millions d’euros environ, 90% du parc de salles sont numérisés, une vingtaine de longs métrages est produit et 52 festivals et autres manifestations cinématographiques sont aidés tous les ans dans le pays. Mais aussi des traités de coproduction avec plusieurs pays africains leur permet de bénéficier d’un savoir-faire et des studios de post-production de renommée internationale depuis l’époque des tournages en caméra 16mm et 35mm aux studios numériques actuels.

Cela reste donc un défi important à relever pour faire un film dans les meilleures conditions sur le continent africain. C’est pour cela que les producteurs des pays africains se tournent le plus souvent vers des fonds d’aide étrangers, qu’ils soient institutionnels ou privé (fondations) ainsi que la coproduction.

Quelques fonds d’aide au financement et à la coproduction avec les pays africains :

(FOPICA) Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle, institué en 2002. C’est la mise en réseau de plusieurs fonds africains pour soutenir la production de projets de films et séries télévisuelles.

FONSIC (Fonds de soutien de l’industrie cinématographique de Côte-ivoire) entré en en activité il y a tout juste 10 ans a su développer des stratégies de coproduction pour mieux soutenir les producteurs de films en Afrique.

CLAP ACP, c’est une action menée par le Fonds Image de la Francophonie de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), en partenariat avec le FONSIC dans le cadre du Programme ACP-UE Culture, avec la contribution financière de l’Union européenne (UE) et le soutien de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP). Ce fond a pour but de renforcer le secteur cinématographique et audiovisuel des Pays ACP par la coproduction : des coproductions plus nombreuses, mieux montées, plus efficaces, mieux diffusées.

Distribution/Exploitation

Une fois produit, un film doit aller à la rencontre de son public pour être vu et faire vivre la filière grâce aux remontées des recettes. Pour cela, le distributeur est l’intermédiaire privilégié entre les producteurs et les exploitants de films qui connaissent mieux leurs publics et leurs attentes.

Hormis l’Égypte (400 salles de cinéma[1]) et l’Afrique du Sud (plus de 782 écrans[2]), le reste des pays du continent ont très peu de salles de cinéma ou absolument pas du tout, ce qui explique qu’en Afrique il existe peu de distributeurs et par conséquent de nombreux producteurs s’occupent souvent eux-mêmes de la distribution de leurs films. Le nigérian, pays le plus peuplé d’Afrique avec 212 817 345 habitants derniers chiffres connus (soit la somme des populations d’Allemagne, France et Italie) a cependant pu développer un modèle économique vers la fin des années 90 qui le place aujourd’hui au rang de deuxième producteur de films au monde avec environ 2500 films produits par an. En effet, les jeunes créateurs ont très vite saisi les opportunités de la révolution numérique qui s’opérait dans tous les secteurs et en particulier dans le domaine de l’audiovisuel et le cinéma.  La fin des caméras et projecteurs 16 mm et 35 mm était comptée et tous les regards se tournaient dorénavant vers la numérisation des équipements de productions et de diffusions. La démocratisation des camescopes grand public permettaient peu à peu aux plus créatifs de rendre concret leurs idées pour ensuite les transférer sur des supports à bas coût type VCD particulièrement populaire dans les pays les moins développés. Très vite de nombreux petits films sur les réalités locales dans lesquelles les populations s’identifient facilement ont commencé à alimenter de nombreux ménages, puis les télévisions locales, créant ainsi un mode de production-distribution direct aux consommateurs. L’impact de ce modèle économique en raison de l’engouement des consommateurs devenu de plus en plus nombreux et dépassant largement les frontières nigérianes pour atteindre toute l’Afrique centrale, australe et occidentale, a été de pousser les jeunes producteurs/réalisateurs à la formation et la structuration de la filière avec comme résultat un cinéma nigérian aujourd’hui aussi exigeant que peuvent l’être ceux des pays occidentaux.

L’exemple type d’un producteur-distributeur nigérian qui a su tirer parti de ce modèle et devenu à ce jour incontournable dans le paysage cinématographique nigérian c’est FilmOne Entertainment. Elle a coproduit certains des films les plus rentables du Nigeria, notamment Merry Men 1 et 2, The Set-Up et The Wedding Party 1 et 2. Depuis 2016 FilmOne travaille en partenariat avec Netflix (sélection de contenu de Nollywood pour la plateforme de streaming) et, plus récemment, avec Disney (en tant que distributeur exclusif de ses films au Nigeria, au Ghana et au Liberia). En 2017 par exemple le film nigérian « The Wedding Party » a fait plus d’1,4 millions d’euros de recettes en moins de 3 mois d’exploitation au Nigéria, battant ainsi le record de tous les blockbusters hollywoodiens de cette année-là comme Stars Wars : Les derniers Jedi, Transformer 5 : The Last Night ou Spiderman : Homecoming. L’industrie du cinéma nigérian c’est plus de 1 million d’emploi direct et plus de 20 millions d’euros de chiffres d’affaires moyen par an.

On peut remarquer malgré tout que la distribution et l’exploitation des films sont finalement très localisées, liées aux contextes culturels et économiques très variés d’un pays à l’autre ou d’une partie du contient. C’est pourquoi les films africains trouvent finalement leur public en se déployant vers d’autres solutions de diffusion telles que les festivals de cinéma à travers le monde qui jouent un rôle particulièrement important pour leur visibilité et en particulier pour leur repérage pour être ensuite intégré des plateformes de streaming et VOD ou les chaînes de télévision. 

En France par exemple, un certain nombre de festivals spécialisés cinémas d’Afrique existent, dont certains depuis plus de 30 ans : Festival Cinémas d’Afrique d’Angers en activité depuis 1987, Festival Africlap à Toulouse, Festival Cinémas d’Afrique du pays d’Apt, Festival Lumières d’Afrique de Besançon, Festival Panafricain de Cannes et Nollywood Week Paris (spécialisé cinéma nigérian). Les chaînes de télévisions et plateforme de streaming et VOD constituent aujourd’hui une nouvelle opportunité incontestable pour les cinémas d’Afrique, l’avenir nous en dira plus…


[1] Youssef Chazli, Directeur de Zawya, seul cinéma d’art et essai du Caire, interview L’Orient-le jour.

[2] Rapport Framing the Shot 2018 : Key Trends in African Film

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